« L’objectif n’est pas de vous proposer un podium, mais de vous donner les informations nécessaires pour que chacun se fasse une idée », explique Etienne Lapierre, responable numérique et coordinateur du projet Carbon Think chez Terrasolis. Le pôle d’innovation de l’agriculture bas carbone organisait, le 5 juillet, un webinaire de restitution de travaux engagés en mars, pour comparer quatre outils de diagnostic carbone en grandes cultures : CarbonExtract, My Easy Farm, Sysfarm et My Soil Capital. Rize, avec qui des discussions avaient été engagées, n’a finalement pas donné suite. « Tous ces outils font le boulot, les travaux ont été menés en lien avec les porteurs de ces démarches », poursuit Etienne Lapierre.
Le rôle du conseiller souligné
L’idée n’étant pas de classer les outils, leurs différents modes de fonctionnement ont été analysés : interface web, saisie des données, indicateurs, pédagogie. « L’appui sur les conseillers est central, explique Guillaume Defer, ingénieur chez Terrasolis, qui a réalisé cette analyse. Dans le cas de CarbonExtract, par exemple, l’utilisation de l’outil par les agriculteurs sans l’assistance du conseiller est déconseillé par les porteurs de la démarche. » L’accompagnement est particulièrement jugé essentiel en ce qui concerne la saisie des données. « C’est une source d’erreur, le système d’alarme des outils pourraient être développé davantage, pour mieux détecter les éventuelles valeurs aberrantes », poursuit Guillaume Defer.
Permettre à chacun de faire son choix
Quelques différences sont néanmoins à noter : Soil Capital, seul outil à ne pas être certifié par le label bas-carbone, mais par le Cool Farm Tool, demande ainsi des informations supplémentaires sur les produits phytosanitaires utilisés (nom, dose), quand les trois autres se contentent des IFT. CarbonExtract, de son côté, a plus développé les catégories de co-bénéfices. Quant à My Easy Farm, l’outil est davantage avancé sur le sujet de l’interopérabilité.« Toutes ces méthodes ont la volonté de valoriser l’action des agriculteurs sous le prisme carbone, explique Guillaume Defer. Les méthodes de calcul et les interprétations peuvent varier, mais cela permet à chacun de trouver ce qui lui convient le mieux. » Des analyses quantitatives des résultats doivent venir compléter les premiers résultats de cette étude.
S’ouvrir aux démarches de filières
Les intervenants insistent : ce travail n’est qu’une étape, amené à être poursuivi et approfondi. Parmi les sujets à creuser, ils mentionnent celui des écarts de résultats entre les trois outils encadrés par le label bas-carbone. « Les différences sont faibles, mais pour les expliquer il faudra affiner les données d’entrée », indique Etienne Lapierre. Terrasolis aimerait également se pencher sur les outils de filières, type Oleoze ou ceux développés par Earthworm et Pour une agriculture du vivant, qui proposent des primes pour des filières bas carbone. « La transition vers une agriculture régénératrice offre la possibilité de développer des modèles économiques plus viables, couplant crédits carbone, primes filières, et paiement pour services écosystémiques », conclut Pierre-Louis Guillo, consultant auprès de Bioeconomy for change (B4C), le pôle de la bioéconomie français.
Explosion du marché carbone volontaire dans le secteur agricole
L’agriculture représente actuellement 1 % du marché volontaire du carbone, au niveau mondial. Les crédits carbone agricole ont néanmoins connu une croissance de 900 % en volumes, entre 2020 et 2021, assure Pierre-Louis Guillo, de Bioeconomy for change (B4C). L’épuisement des crédits à bas coût et l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, devraient maitenir la dynamique pour les crédits agricoles français, selon lui. « L’absence de cadre réglementaire homogène au niveau européen incite au développement de filières bas carbone alternatives au label, explique-t-il. En France, les stratégies sont variées. Les coopératives étudient encore plusieurs voies de valorisation et développent des stratégies opportunistes. Il évoque également la question, toujours ouverte, du partage du risque du financement des projets.